Interview de Daisy Tarrier

 Dans PPI

Directrice d’Envol Vert et Membre du Groupe de travail Pays en développement & Biodiversité

Daisy Tarrier_Directrice Envol Vert ©L.Durant

Daisy, vous êtes aujourd’hui Directrice d’Envol Vert. Pouvez-vous vous présenter, et préciser notamment les raisons qui vous ont conduit à travailler dans la protection de la nature ? 

Travailler dans l’environnement a toujours été une évidence pour moi. Mon père est entomologiste. Petite je passais toutes mes vacances dans la nature, les forêts, les rivières, et plus je grandissais plus j’étais sensible à son discours de destruction des écosystèmes et comment les espèces, même les plus petites, en étaient victimes. Bien que je n’aie pas eu l’opportunité de faire des études scientifiques, dès mes premiers stages il a été naturel pour moi de rechercher des structures en lien avec la conservation de la nature.

Quel est votre parcours professionnel et quelles sont vos plus belles expériences ?

J’ai travaillé presque 10 ans au WWF. J’ai eu plusieurs postes mais le premier reste mon coup de cœur. J’étais en charge d’un programme de conservation de la Loire. J’étais jeune, je ne connaissais pas grand-chose en environnement et c’était particulièrement gratifiant de réunir plus de 12 organisations autour de sujets comme la morphodynamique des rivières, les tourbières. Un quotidien partagé avec des personnes passionnantes et engagées. J’ai aussi travaillé sur le premier guide de consommation des ressources halieutiques.

Puis je suis partie au Pérou, en volontariat, pour travailler sur la forêt et les communautés autochtones. Ça a été l’occasion de m’isoler profondément dans l’Amazonie (un vrai régal), mais aussi de me confronter à la réalité des communautés autochtones. J’ai pu, entre autres, permettre la légalisation d’un territoire de communautés locales.

J’ai aussi réalisé de nombreuses évaluations de projets de coopération internationale comme consultante. C’est toujours extrêmement enrichissant de sortir de son domaine pour découvrir ce qu’il se fait ailleurs.

Enfin, le meilleur pour la fin, ma plus belle expérience a été la création d’Envol Vert bien sûr. Partir de zéro, réfléchir à tout, toucher à tout puis intégrer peu à peu des professionnels engagés qui on mit leur pierre à l’édifice pour que l’ONG soit ce qu’elle est aujourd’hui.

Pourquoi avez-vous décidé de vous engager dans la conservation de la biodiversité à l’international et en particulier dans les pays en développement ?

D’abord parce que je trouve la forêt tropicale extraordinaire. Son humidité, le foisonnement de vie, l’exubérance de la chlorophylle. Ce que certains appellent l’enfer vert est pour moi un paradis. Ensuite, car je pense qu’il y a en Amérique latine d’énormes défis qui méritent toute notre attention : conservation du poumon de la planète, pays avec la plus grande biodiversité au monde. Ce n’est pas rien. Et finalement parce que tout ceci se mélange à des aspects de bien être humain, qui sont passionnants. Quand on arrive à reconnecter la forêt avec l’humain au point qu’elle ne soit plus sa limite mais son vecteur de développement et de bien-être, c’est qu’on a gagné.

Chaine de Montagne de Perijá à Becerril, Colombie, 2022 ©Juan Carlos Valencia

Quels sont les projets sur lesquels vous travaillez aujourd’hui et quels sont les principaux défis auxquels vous êtes confrontée dans le cadre de vos actions ? Les réalisations dont vous êtes la plus fière ?

On travaille depuis toujours sur des projets d’agroforesterie pour obtenir moins de compétition entre l’agriculture et la forêt mais, plus récemment, on se recentre sur des projets de conservation de l’existant. De façon surprenante, il est plus difficile de conserver que de planter des arbres. Alors qu’il serait bien plus efficace de ne pas détruire ce qui existe depuis des milliers d’années. Ce travail va de pair avec celui de développer des alternatives économiques à la déforestation pour améliorer les conditions de vie locale. En Colombie, nous avons créé une marque communautaire (Tamandua) dont je suis particulièrement fière. Nous faisons aussi un gros travail de capitalisation pour rendre disponible l’expérience acquise depuis 2011.

Dans un tout autre registre, nous avons créé l’outil Empreinte Forêt qui calcule le risque de déforestation lié à nos consommations. Nous l’avons développé dans 3 pays et nous travaillons à ce qu’il devienne un référentiel public en France.

Pour finir, nous développons depuis quelques années des actions de plaidoyer, notamment sur les questions de traçabilité.  Nous faisons partie d’une coalition qui a assigné en justice le groupe Casino pour non-respect de la loi de devoir de vigilance, au Brésil et en Colombie. Un sujet complexe et difficile à vulgariser.

Action devant un magasin Casino, mai 2022 ©Envol Vert

Quel est votre espèce favorite et pourquoi ?

Le Noyer Maya, un arbre qui pousse du Mexique au Pérou. D’abord il est magnifique et en plus il est plein de vertus. Sa graine est un riche aliment plein de protéines pour nous comme pour la faune (singes, tapirs…). Il permet aussi d’alimenter les vaches en fourrage (feuilles) quand il est planté en système sylvopastoral, et en plus il fixe le CO2 dans le sol pour le transformer en calcaire.

Forêt de Noyer Maya à Ovejas, Colombie © D.Tarrier

Comment voyez-vous l’avenir de la planète et le nombreux défis qui se posent aujourd’hui pour concilier à la fois les enjeux de protection de la nature et de développement ?

J’aurais préféré avoir un joker car je suis connue de mes amis pour être assez pessimiste sur la capacité de l’humain à se développer durablement. Quand tout le monde veut manger de la viande, avoir une voiture, prendre l’avion pour aller en vacances, acheter un téléphone dernier cri tous les ans, et j’en passe, il est difficile d’imaginer être soutenable avec 8 milliards d’habitants. Et ce n’est pas très éthique de dire aux populations des pays en « développement » qu’ils ne peuvent pas eux aussi accéder aux mêmes « avantages ».

Festival Súmate al Bosque : productrice de Becerril vendant des produits Tamandua, Bogotá, Colombie 2022 ©Juan Carlos Valencia

Que vous apporte votre participation au groupe de travail Pays en développement et Biodiversité et vers quelles actions le collectif doit se tourner aujourd’hui ?

Je crois dans les synergies, je ne pense pas que travailler chacun de notre côté permette d’avancer aussi vite que la planète en a besoin. Le groupe de travail « Pays en Développement et Biodiversité » permet de mettre en relation des acteurs majeurs. Personnellement, ça peut aussi bien m’apporter des contacts, des connaissances que des solutions à mes problèmes. Et bien entendu, je peux aussi aider grâce aux leçons apprises avec Envol Vert.

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