Composé de 9 Régions ultra-périphériques (« RUP », dont les 5 DOM français) et de 25 Pays et Territoires d’Outre-Mer (« PTOM », dont 6 collectivités françaises), l’Outre-mer européen abrite à travers différentes régions du globe une biodiversité d’importance mondiale, plus riche que celle de toute l’Europe continentale.
Liens communs, divergences
Ces 34 territoires (plus de 150 îles) sont géographiquement éloignés de l’Europe mais entretiennent des liens privilégiés avec elle, par le biais de leur Etat-membre : France (12 territoires), Pays-Bas (6 territoires), Danemark (Groenland), Portugal (Açores et Madère), Espagne (Canaries) et Royaume-Uni (14 territoires). Chaque territoire a une histoire unique et de fait, une culture, une économie et une gouvernance propre, avec de grandes disparités dans l’organisation administrative et le degré d’indépendance au pays d’attache.
Ceci a des implications importantes sur l’adoption, la mise en œuvre et le financement des politiques de conservation, et sur l’accès aux financements. En effet, ces territoires n’ont pas accès aux fonds de développement comme leurs voisins, mais ont souvent également inéligibles aux programmes européens dont les critères sont inadaptés à leur situation. C’est ce paradoxe qui a été mis en avant par le Comité français de l’UICN en 2006 dans un rapport spécifique : l’Outre-mer européen est plus riche en biodiversité que toute l’Europe continentale, avec un taux d’endémisme exceptionnel et une vulnérabilité particulière aux impacts anthropiques, mais l’accès aux financements de la conservation par les territoires est compliqué.
Le programme Outre-mer européen de l’UICN
Suite au rapport de 2006, s’est tenue la première conférence sur le changement climatique et la perte de biodiversité à l’échelle de l’outre-mer européen du 7 au 11 juillet 2008 sur l’île de La Réunion. Adopté par les 400 participants, le Message de l’île de La Réunion contient l’ensemble des conclusions et recommandations issues de la conférence.
En 2010 a été mis en place le programme Outre-mer européen de l’UICN. Les actions prioritaires identifiées visent à rassembler et à valoriser l’information scientifique, à faire connaître les enjeux, à influencer les politiques européennes, à appuyer les organisations membres de l’UICN et à renforcer les coopérations à l’échelle régionale entre RUP, PTOM et pays ACP voisins qui présentent les mêmes enjeux de biodiversité. Le Comité français de l’UICN et les experts de son Groupe Outre-mer contribuent activement à la réalisation de ce programme.
En 2014, 6 ans après le « Message de l’île de La Réunion », une seconde conférence s’est tenue en Guadeloupe, réunissant 250 représentants de haut niveau et experts pour adopter une nouvelle feuille de route pour la biodiversité et le changement climatique dans les Outre-mer européens. Les participants ont adopté le Message de la Guadeloupe qui guide la politique de conservation des 34 territoires ultramarins jusqu’en 2020.
Les enjeux de l’Outre-mer européen pour la biodiversité
Suite aux conférences de La Réunion de 2008 et de Guadeloupe en 2014, l’enjeu majeur pour les RUP et les PTOM en terme de protection de la biodiversité est la mise en place d’un mécanisme pérenne de financement spécifique aux Outre-mer. Les territoires ultramarins sont particulièrement vulnérables au dérèglement climatique et la préservation de la biodiversité est nécessaire pour mieux y faire face (Solutions fondées sur la Nature) : la résilience des écosystèmes ultramarins doit donc être renforcée et financée à la hauteur des enjeux qu’ils représentent.
Les programmes BEST, action préparatoire à un tel mécanisme pérenne de financement, ont permis financer de grands projets (BEST I et II), de définir les enjeux de conservation, d’en déterminer les priorités et les niches possibles d’investissement (BEST III), et de financer des projets de protection de la biodiversité (appels à propositions BEST 2.0 lancés en 2015, 2016 et 2018 pour les PTOM et appel à propositions ‘BEST RUP’ lancé en 2017 pour les RUP). Le Comité français de l’UICN a activement participé à cette action préparatoire.
Les représentants des PTOM et des RUP ainsi que les Etats-membres ont affirmé plusieurs fois leur volonté de continuer la dynamique enclenchée par BEST en mettant un place un mécanisme de financement pérenne à partir de 2020, avec un programmation de long terme qui mobilise les programmes de fonds européens existants type LIFE+, FEADER et FEDER. Ils ont également demandé à ce qu’un tel mécanisme soit adapté aux réalités et aux spécificités des Outre-mer européens, avec une gouvernance transparente, décentralisée et englobante, promouvant la coopération régionale entre les RUP, les PTOM est les pays indépendants voisins.
Les rendez-vous des Outre-mer européens
Les relations des RUP et des PTOM avec l’UE sont rythmées par de grands rendez-vous (conférence des Présidents de RUP, forum des RUP, forum UE-PTOM…) qui leur permette d’échanger sur les politiques spécifiques à mener, développer ou amender (voir onglets). Un forum de cohésion est également organisé tous les 3 ans par la Commission à Bruxelles. Ces réunions permettent de fixer le cadre de la politique de cohésion post 2020 pour les RUP et de définir les bases de l’accord post Cotonou pour les PTOM.
L’UICN organise régulièrement des « tables rondes des Outre-mer » à Bruxelles, qui permet de réunir les acteurs de la biodiversité dans les territoires ultra-marins pour échanger sur les politiques et initiatives européennes, nationales et territoriales relatives à la protection de la biodiversité.
RUP et PTOM, késako?
Les RUP font partie intégrante de l’Union Européenne et sont soumises au droit européen : elles doivent donc en respecter les standards y compris en matière de normes environnementales. En France, elles comprennent les 5 Départements d’Outre-Mer (DOM – Guadeloupe, Martinique, Guyane, La Réunion, Mayotte) et Saint-Martin (qui n’est plus un DOM mais une Collectivité d’Outre-mer depuis juillet 2007). Les Açores, Madère et les îles Canaries ont également le statut de RUP.
Leur relation avec l’UE est définie par l’article 349 du traité sur le fonctionnement de l’Union Européenne (TFUE) qui permet d’adapter la législation européenne aux spécificités des territoires. Cela concerne notamment les politiques douanières et commerciales (octroi de mer), les politiques des domaines de l’agriculture et de la pêche, les aides d’Etat et les conditions d’accès aux fonds structurels (FEDER, FEADER etc.). Cependant, de nombreux autres politiques restent inadaptées, y compris la politique forestière.
Les deux plus grandes directives européennes concernant le protection de la Nature, la directive habitats et la directive oiseaux (dont émanent le réseau Natura 2000) ne s’appliquent pas aux RUP françaises car les annexes, qui listent les habitats et les espèces d’intérêt communautaire, n’incluent pas ceux des Outre-mer français (en revanche ces directives s’appliquent bien aux Açores et aux Canaries).
Les RUP échangent avec les Commission européenne, les Etats membres, les territoires et les acteurs locaux lors de grands rendez-vous, notamment la Conférence annuelle des Présidents des Régions Ultrapériphériques (CPRUP – dont la présidence est tournante), le forum des RUP, organisé tous les 2 ans par la Commission, et le séminaire RUP, organisé tous les 2 ans par la Direction générale de l’outre-mer (DGOM).
Les Pays et Territoires d’Outre-mer (PTOM)
Contrairement aux RUP, les PTOM ne font pas partie intégrante de l’UE. En revanche, ils maintiennent des liens fort avec elle, et bénéficient de son soutien au développement notamment par le biais du Fonds Européen de Développement (FED). La France compte 6 PTOM sur 25 au total : Saint-Pierre-et-Miquelon, Saint-Barthélemy, les Terres Australes et Antarctiques françaises, Wallis-et-Futuna, la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française.
Les autres PTOM comprennent les 14 territoires Britanniques (Anguilla, Bermudes, Iles Caïmans, Gibraltar, îles Vierges britanniques, îles Malouines, Montserrat, Pitcairn, Sainte-Hélène/Ascension /Tristan de Cunha, Turks-et-Caïcos, Territoire britannique de l’océan indien, Akrotiri et Dhekelia, Géorgie du Sud et les îles Sandwich du Sud, Territoire britannique de l’Antarctique), les 6 territoires des Pays-Bas (Aruba, Bonaire, Curaçao, Saba, Sint Eustatius, Sint Maarten), et le Groenland qui appartient au Danemark. Avec le Brexit, il existe une incertitude sur les liens que maintiendront les PTOM britanniques avec l’UE.
Leur relation avec l’UE est définie par l’article 198 du TFUE qui précise que l’association des ces territoires vise principalement a promouvoir le développement économique et social des pays et territoires et d’ “établir des relations économiques étroites entre eux et l’Union dans son ensemble“. Les PTOM sont réunis au sein de l’Association des Pays et Territoires d’Outre-mer de l’Union européenne (OCTA). L’OCTA se réunit avec les Etats-membres et la Commission 5 à 6 fois par an à Bruxelles, et organise un forum UE/PTOM chaque année soit à Bruxelles soit dans un PTOM.
Les PTOM bénéficient du FED dont une partie leur est dédiée (le reste allant aux pays éligibles à l’aide publique au développement). Le FED se décline en FED territorial (attribution directe au budget général ou sectoriel des PTOM) et en FED régional (attribution à une entité intervenant au niveau régional) avec un budget pour 6 ans. Ces fonds peuvent se concentrer sur un secteur particulier dont la protection de la biodiversité et le développement durable.
Il est possible pour un territoire de passer d’un statut à un autre : cela a été le cas pour Mayotte qui est passé de PTOM à RUP en 2014 lors de sa départementalisation, ou de Saint-Barthélemy qui est devenu PTOM en 2012.
POUR ALLER PLUS LOIN
CONTACT
Pour toute information, merci de contacter : Anne Caillaud – Chargée de programme “Outre-mer”
