L’IPBES publie la première évaluation mondiale sur les espèces exotiques envahissantes

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Après quatre années d’élaboration, le rapport d’évaluation sur les espèces exotiques envahissantes et leur contrôle a été présenté ce lundi 4 septembre 2023 lors de son lancement officiel.

Souvent décrit comme le « GIEC pour la biodiversité », l’IPBES (Plateforme intergouvernementale sur la biodiversité et les services écosystémiques) a pour mission de renforcer les politiques et les décisions par le biais de la science, pour la conservation et l’utilisation durable de la biodiversité, le bien-être humain à long terme et le développement durable. 

Sur la base des conclusions du précédent rapport d’évaluation mondiale publié en 2019 sur la biodiversité et les services écosystémiques, qui identifie les invasions biologiques comme l’un des cinq principaux facteurs directs de la perte de biodiversité (au même titre que le changement climatique ou la pollution), ce nouveau rapport évalue cette fois la gravité des invasions biologiques à l’échelle mondiale et cherche à informer sur les options possibles pour faire face à ce problème, souvent sous-estimées et dans certains cas, négligées par les décideurs politiques. 

Lancement du rapport à Bonn, à l’issue de la 10ème session plénière de l’IPBES 

Ce rapport a été rédigé par 86 experts internationaux issus de 49 pays de toutes les régions du monde, sous la direction de trois coprésidents : la professeure Helen Roy (Centre britannique d’écologie et d’hydrologie, Royaume-Uni), le professeur Aníbal Pauchard (Faculté des sciences forestières, Université de Concepción et Institut d’écologie et de biodiversité, Chili) et le professeur Peter Stoett (Institut de technologie de l’Université de l’Ontario, Canada). Il s’appuie sur plus de 13 000 références reflétant la diversité des connaissances existantes sur les EEE, notamment des articles scientifiques, des rapports gouvernementaux et des savoirs autochtones et locaux. 

Cette nouvelle évaluation a été examinée et approuvée par les 143 états membres présents lors de la dixième plénière de l’IPBES à Bonn, du 28 août au 1er septembre. 

Le rapport est structuré en six chapitres, fournissant la base scientifique sur le sujet :  

  1. Introduction aux invasions biologiques et à l’évaluation de l’IPBES : concepts, terminologie et risques ;
  2. Synthèse des tendances passées et futures, et état des espèces exotiques et des espèces exotiques envahissantes ;
  3. Facteurs directs et indirects de changement de la biodiversité affectant les invasions biologiques à différents stades : transport, introduction, établissement et propagation d’espèces exotiques envahissantes ;
  4. Impacts des invasions biologiques sur la nature, les contributions de la nature aux populations et la bonne qualité de vie ;
  5. Gestion des invasions biologiques : approches, efficacité et contraintes
  6. Options futures pour la prévention et le contrôle des invasions biologiques : gouvernance et instruments politiques.   

Quelques chiffres clés issus de l’évaluation

Avec 200 nouvelles espèces exotiques enregistrées chaque année, ce sont plus de 37 000 espèces exotiques qui ont été introduites par les activités humaines ; et 3 500 de ces espèces ont des impacts négatifs documentés dans la littérature, avec une variabilité du caractère invasif selon les taxons.

D’après les données de la Liste rouge de l’UICN des espèces menacées™, qui évalue le risque d’extinction de plus de 150 000 espèces, les espèces exotiques envahissantes sont impliquées dans 60 % des extinctions globales d’espèces documentées et 90 % de ces extinctions ont eu lieu dans les îles. Les environnements éloignés sont particulièrement sensibles aux invasions biologiques, comme les îles, les régions montagneuses, polaires et désertiques, ainsi que les zones protégées.

En plus de menacer la survie des espèces locales, leur coût économique mondial a dépassé les 390 milliards d’euros par an en 2019, et a au moins quadruplé chaque décennie depuis 1970 et devrait continuer d’augmenter si aucune mesure n’est prise. 

Des outils de l’UICN ont alimenté le rapport, en particulier la base de données mondiale sur les espèces exotiques envahissantes coordonnée par l’ISSG (le groupe de spécialistes des espèces exotiques envahissantes de l’UICN) et le Registre mondial des espèces introduites et envahissantes, une initiative de l’ISSG publiant des inventaires nationaux vérifiés d’espèces exotiques. En outre, l’évaluation a utilisé la méthodologie de classification de l’impact environnemental des espèces exotiques (EICAT), récemment publiée par l’UICN.

Un résumé à l’intention des décideurs accompagne ce rapport (disponible prochainement) et présente les principaux chiffres et messages clés de l’évaluation.  Il préconise notamment une action intégrée, à travers et au sein des pays et des différents secteurs (commerce, transport, tourisme, santé, agriculture et environnement), afin de soutenir les efforts visant à atteindre l’objectif 6 du Cadre mondial pour la biodiversité de Kunming-Montréal sur les espèces exotiques envahissantes, ainsi que les Objectifs de développement durable.

Anne Larigauderie, secrétaire exécutive de l’IPBES, a déclaré: « L’urgence immédiate des espèces exotiques envahissantes ,qui causent des dommages considérables et croissants à la nature et à l’Homme, rend ce rapport si précieux et si opportun. » « En décembre dernier, les gouvernements du monde entier ont convenu, dans le cadre du nouveau cadre mondial pour la biodiversité Kunming-Montréal, de réduire l’introduction et l’établissement d’espèces exotiques envahissantes prioritaires d’au moins 50% d’ici à 2030. Il s’agit d’un engagement essentiel, mais aussi très ambitieux. Le rapport de l’IPBES sur les espèces exotiques envahissantes fournit les preuves, les outils et les options nécessaires pour rendre cet engagement plus réalisable»

 

La situation en France et l’action du Comité français de l’UICN

La France n’échappe pas à ce phénomène et figure parmi les pays les plus concernés. Avec trois grandes façades maritime et 4 des 5 principales zones biogéographiques européennes (atlantique, continentale, méditerranéenne et alpine) présentes en métropole, et l’ensemble des collectivités françaises d’outre-mer réparties dans les trois grands océans de la planète, cette diversité de climats et de milieux permet à de nombreuses espèces introduites et aux exigences écologiques variées de s’y installer et de s’y reproduire.

Les exemples d’invasions sont nombreux en métropole : Ragondin, Ecrevisse de Louisiane, Vison d’Amérique, Grenouille taureau, Renouée du Japon, Ambroisie, jussies, etc. Les collectivités françaises d’outre-mer, principalement insulaires et avec souvent des forts taux d’endémisme, sont particulièrement touchées. Par exemple, à Tahiti, 40 à 50 espèces de plantes endémiques sont menacées de disparition par l’invasion de l’arbre Miconia. Le Rat noir, déjà responsable de nombreuses extinctions, menace de disparition plusieurs espèces d’oiseaux endémiques de La Réunion ou des îles du Pacifique.

La Fourmi électrique (Wasmannia auropunctata)

Fourmi électrique © Fred Jacq

Le rythme d’introduction de nouvelles espèces est croissant et cela pour tous les groupes biologiques. Pour la métropole, un indicateur développé pour l’Observatoire national de la biodiversité à partir d’une sélection de 84 EEE révèle que depuis 1982, un département français voit s’installer en moyenne tous les dix ans 12 nouvelles EEE (ONB, 2021). La Fourmi électrique (Wasmannia auropunctata) signalée à Toulon à l’été 2022, le Frelon oriental (Vespa orientalis) signalé à Marseille en 2021, l’Écrevisse à pinces bleues (Fraxonius virilis) identifiée en août 2021 dans un étang de l’Yonne, ou encore l’algue rouge Lophocladia lallemandii découverte dans les eaux du Parc national de Port-Cros cette même année, figurent parmi les dernières espèces exotiques découvertes en métropole.

Face aux enjeux et pour accompagner l’ensemble des acteurs mobilisés, le Comité français de l’UICN est très impliqué sur cette thématique depuis plusieurs années.  Il coordonne le Réseau dédié aux invasions biologiques en outre-mer impliquant l’ensemble des territoires ultra-marins, et co-pilote avec l’OFB le Centre de ressources sur les espèces exotiques envahissantes. Les principales activités mises en œuvre concernent :

  • l’appui aux politiques et aux stratégies d’action sur les espèces exotiques envahissantes ;
  • la mise en réseau des acteurs ;
  • la promotion et la diffusion de bonnes pratiques de gestion ;
  • la production de connaissances ;
  • la diffusion et la mise à disposition d’informations ;
  • la formation et la sensibilisation

 

Pour en savoir plus : 

 

 

Crédit bandeau photo: IISD/ENB: Anastasia Rodopoulou

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