Interview de Gaétan Quesne
Directeur Europe et Responsable thématique biodiversité, forêts et Solutions fondées sur la Nature au sein du Groupe-conseil Baastel et membre du Bureau du Groupe de travail Pays en développement & Biodiversité
Gaétan, vous travaillez aujourd’hui en tant que Directeur Europe et responsable thématique biodiversité, forêts et Solutions fondées sur la Nature au sein du cabinet de conseil Baastel. Pouvez-vous vous présenter, et préciser notamment les raisons qui vous ont conduit à travailler dans la protection de la nature ?
J’ai passé toute mon enfance au contact de la nature, dans une ferme familiale dans le Nord-Ouest de la France. Le remembrement agricole dans les années 70-80 avait déjà modifié substantiellement le paysage rural français, mais j’ai passé mon enfance à crapahuter dans les espaces naturels et les bosquets proches de la ferme familiale, à participer à des classes vertes dans un Centre de Protection de la Nature et à observer la nature environnante. J’ai certainement développé ma sensibilité environnementale et à la protection de la nature durant cette période. J’ai ensuite effectué des études en agronomie, puis en agro-économie internationale et enfin en économie des ressources naturelles, qui m’ont permis d’orienter mon parcours professionnel à l’international et dans le domaine de la protection de la nature.
Quel est votre parcours professionnel et quelles sont vos plus belles expériences ?
C’est à travers ma formation que mon orientation professionnelle s’est dessinée. D’un stage dans une plantation de bananes en Martinique dans le cadre d’un diplôme universitaire technologique en agronomie, à des stages dans un centre de recherche sur la canne à sucre en Afrique du Sud et auprès de petits producteurs de café au Honduras dans le cadre de mon diplôme d’ingénieur en agro-économie internationale (ISTOM), j’ai effectué une dernière année de master en économie des ressources naturelles au CERDI et un dernier stage sur la thématique de l’adaptation au changement climatique au Fonds Français pour l’Environnement Mondial. C’était il y 20 ans, cette thématique était assez nouvelle et avec une attention grandissante donc très formateur !
Dans la continuité de ce stage, j’ai été en poste pendant 2 ans à l’Agence française de développement (AFD) à Cotonou au Bénin dans le cadre d’un Volontariat international en administration. Je suivais le portefeuille développement rural et environnement, y compris un projet d’appui au Parc National de la Pendjari, mais également le montage des premiers projets soumis au Programme des Petites Initiatives (PPI) qui était à cette époque géré par l’AFD et mobilisait le personnel en agence pour accompagner les organisations de la société civile dans le montage de leur proposition de projet. J’ai donc eu la chance d’accompagner le montage des premiers projets PPI, avant que cette gestion ne soit ensuite confiée au Comité Français de l’UICN. Cette expérience au Bénin restera unique pour moi, que ce soit d’un point de vue professionnel mais également personnel.
J’ai ensuite décidé de rejoindre le cabinet de conseil Baastel au Canada. J’ai débarqué tout frais du Bénin le 3 janvier 2009 à Gatineau au Québec sous une grosse tempête de neige. La transition était intense ! J’ai passé 5 années au Québec pour Baastel, à travailler principalement sur des projets d’adaptation au changement climatique en Afrique sub-saharienne et en Amérique Latine et à profiter des grands espaces canadiens. J’ai ensuite contribué à développer les activités de Baastel et nos équipes en Europe, à Bruxelles.
Je suis depuis devenu l’un des associés du cabinet et ai pris la responsabilité de nos activités sur la protection de la biodiversité et les forêts. Je suis impliqué avec nos équipes sur des études de faisabilité de financement pour la protection de la biodiversité, la mise en place de systèmes et processus de suivi-évaluation, l’assistance technique et la mise en œuvre de projets et programmes, et enfin l’évaluation. Une belle diversité de prestations dans des géographies diverses !
Pourquoi avez-vous décidé de vous engager dans la conservation de la biodiversité à l’international et en particulier dans les pays en développement ?
C’est également à travers mon parcours académique et professionnel que mon engagement dans la conservation de la biodiversité dans les pays en développement s’est façonné. Cette décision a été alimentée par une soif de découverte, d’échange et clairement d’aventure. Cet engagement a évolué dans le temps, et est ancré aujourd’hui autour de la nécessaire et très urgente protection d’espaces naturels soumis à des pressions et menaces croissantes et à la contribution que nous pouvons y apporter, avec nos équipes à notre échelle, à travers l’expertise que Baastel met à contribution sur des projets et programmes de conservation variés dans les différentes régions du monde en développement en particulier.
Quels sont les projets sur lesquels vous travaillez aujourd’hui et quels sont les principaux défis auxquels vous êtes confronté dans le cadre de vos actions ? Les réalisations dont vous êtes le plus fier ?
Dans mon activité aujourd’hui ce que j’apprécie beaucoup est la diversité des initiatives, des géographies et des partenaires avec lesquels nous collaborons. Nous travaillons par exemple sur le montage de financement pour le développement et la gestion d’aires protégées terrestres et marines, la protection d’espèces spécifiques ou la réduction de pressions et menaces qui portent sur elles, mais aussi le développement d’outils de financement tels que les Fonds fiduciaires pour la conservation ou la finance biodiversité, l’assistance technique auprès de gouvernements et de partenaires ainsi que l’évaluation de projets, programmes et politiques publiques.
L’initiative sur laquelle je suis le plus mobilisé aujourd’hui est un programme pour le développement résilient au changement climatique et sensible au genre du Parc National de Conkouati-Douli au Congo et du Complexe d’Aires Protégées de Binder-Léré au Tchad, mené conjointement par Noé, Baastel et Développement International Desjardins. Du fait de mon parcours personnel et professionnel, ma capacité de lier, avec l’appui de mon équipe, la problématique des changements climatiques à la conservation de la biodiversité et au développement des territoires ruraux, constitue certainement une valeur ajoutée.
Quel est votre espèce favorite et pourquoi ?
Je n’ai pas réellement d’espèce favorite. La biodiversité est grande, menacée et à ce jour toujours pas totalement connue. Chaque espèce joue un rôle crucial dans la vie et le fonctionnement d’un écosystème, elle a donc sa place, sans favoritisme !
Comment voyez-vous l’avenir de la planète et les nombreux défis qui se posent aujourd’hui pour concilier à la fois les enjeux de protection de la nature et de développement ?
J’ai à cœur, ainsi que les équipes dont j’ai la charge ou avec lesquelles je collabore sur le terrain, d’appliquer la conciliation de ces enjeux dans l’intégralité des projets auxquels nous participons. Cependant, je vois l’énormité du défi en ce qui a trait à la capacité, et surtout la volonté, dont feront preuves nos politiques, pour concilier ces enjeux de développement et de protection de la nature. La période de la pandémie de COVID19 nous a montré qu’une crise sanitaire planétaire pouvait amener des décisions et mesures rapides, même si certaines sont critiquables, une mobilisation collective et une certaine solidarité, et le déblocage de moyens financiers importants. C’est une période durant laquelle la nature a par ailleurs repris en quelque sorte « ses droits ». Cette mobilisation est mise à rude épreuve actuellement vue la situation géopolitique actuelle et les évolutions politiques récentes dans le monde.
Cela dit, il est encore plus urgent et nécessaire aujourd’hui dans ce contexte de redoubler d’efforts pour protéger les espaces naturels, peu ou pas anthropisés, et cette protection devra se faire avec les premiers acteurs de ces territoires, les populations et collectivités territoriales.
Que vous apporte votre participation au groupe de travail Pays en développement et Biodiversité et vers quelles actions le collectif doit se tourner aujourd’hui ?
Le GT regroupe une diversité de membres avec des parcours, une expertise, une origine professionnelle et des contributions variés. Cette diversité m’enrichit personnellement et professionnellement. C’est également une force de partenariats, par lesquels l’action de l’ensemble des membres sera plus forte et coordonnée, une action encore plus d’actualité dans le contexte que je décrivais à l’instant.