Interview de la Réserve Ornithologique de Kalissaye (ROK)

 Dans PPI

Portrait ROK

Interview auprès de M. Pathé Baldé, Conservateur de la Réserve Ornithologique de Kalissaye et de M. Jean Diassy, Président du Comité de gestion de la Réserve Ornithologique de Kalissaye.

Pouvez-vous nous présentez en quelques mots la réserve : taille, intérêt écologique, types de paysages, date de création, gouvernance ?

La Réserve Ornithologique de Kalissaye (ROK) est créée par décret N° 78- 809 du 28 Juillet 1978. Elle est située en Casamance, au sud du Sénégal. Elle couvrait, à sa création, une superficie de 16 ha et abrite deux ilots sableux encerclés par les eaux lors des marées hautes. Toutefois, les mouvements dunaires observés depuis quelques années ont entrainé une augmentation de la superficie de la ROK (220 ha). L’objectif principal de la création de la réserve est la conservation d’un écosystème fluviomarin complexe pour assurer une bonne reproduction des espèces côtières et marines. Il s’agit en particulier:

– De protéger un écosystème complexe afin qu’il joue le rôle d’accueil des colonies nicheuses d’oiseaux et des tortues reproductrices ;

– D’assurer les bonnes conditions de reproduction des oiseaux migrateurs ;

– De promouvoir le tourisme et la recherche scientifique.

La ROK est caractérisée par une diversité d’écosystèmes forestiers, de savanes insulaires, d’estuaires et d’une partie aquatique. La zone éco-géographique de la réserve est traversée par des bolongs et présente aussi des lagunes temporairement inondées, des marais et des vasières.

Le mode de gouvernance de la réserve ornithologique implique tous les acteurs grâce à un comité de gestion : administration, communauté locale, écoles, centres d’éducation environnementales, pêcheurs, GIE des femmes, les jeunes. Ce qui lui confère une gouvernance partagée et inclusive.

La réserve accueille une diversité d’espèces d’oiseaux et de tortues marines. Parmi les oiseaux, certains sont des migrateurs afrotropicaux, des migrateurs du paléarctique occidental. Ce groupe est composé de limicoles (barge à queue noire, becasseau sanderling, barge rousse, avocette élégante, bécasseau maubéche, courlis corlieu, courlis cendré, etc), les laridae (sternes royales, les sternes caspiennes, goelands railleurs, mouettes à tête grise, etc), des phalacrocoracidea (cormorans africain, grand cormoran, ), les pélicandiea (pélican gris, pélican blanc), les ardeidea (heron cendré, aigrette dimorphe, grande aigrette, etc. Côté tortues marines, on y trouve principalement des tortues vertes, mais aussi des tortue luth, tortue caouanne, tortue olivâtre, tortue imbriquée. Cette année 89 nids de tortues vertes ont été observés dans la ROK, un record !

Cette année a été particulière du fait du COVID, comment le comité de gestion et la ROK ont fait pour s’adapter et continuer à réaliser un certain nombre d’activités ? Quelles sont les leçons apprises de cette année ?

En 2020, la réserve a reçu un appui du PPI à travers le projet de « consolidation de la remontée biologique des laridea et des tortues marines par le renforcement de la gouvernance de la réserve ornithologique de kalissaye au Sénégal ». Dans la mise en œuvre de ce projet, la première stratégie a été d’unifier tous les acteurs et les organes qui interviennent dans l’espace de la réserve. Ce qui a permis de formaliser un cadre unifié. Avec ce cadre unifié, les activités sont planifiées, mises en œuvre et évaluées dans un approche participatif et inclusif.

Au cours de la mise en œuvre du projet, le Covid-19 est survenu. Cette pandémie a entrainé un retard dans l’exécution de certaines activités et surtout de la méfiance dans le contact avec les oiseaux migrateurs en raison du manque d’information sur les modes de transmission. Nous avons pris en compte les mesures barrières et des rencontres régulières ont permis de revoir la planification des activités pour être en phase avec le chronogramme du projet.

Le COVID 19 a entrainé un confinement des pêcheurs dans leur localité. Ce qui a réduit les pressions sur les ressources marines au début de la crise. Mais rapidement, nous avons connu une arrivée forte des embarcations de pêcheurs d’autres zones. Une forte sensibilisation envers les pêcheurs est régulièrement faite par l’équipe de la ROK et le comité de gestion pour éviter l’augmentation des pressions pendant cette période. Nous prévoyons de poursuivre cette sensibilisation et de renforcer l’implication des habitants et usagers avec la constitution d’un comité Inter-villageois de suivi, de surveillance et de protection.

Vous avez notamment réalisé une visite d’échange : qu’avez-vous visité et quelles ont été les leçons apprises de cette visite ?

Nous remercions le PPI d’avoir soutenu cette visite d’échange qui a permis de couvrir la réserve naturelle de Popenguine, La Réserve Naturelle d’intérêt Communautaire de la Somone, L’aire Marine Protégée de Joal Fadjouth, Le Parc National de la Langue de Barbarie (St-Louis). Nous avons visités divers aspects que l’on peut résumer en 3. Il s’agit de :

– La gouvernance notamment l’implication des populations locales dans les domaines de la gestion, de la planification, de la prise de décision, de la mise en œuvre, de l’évaluation et de la réorientation.

– La valorisation touristique notamment la facturation des entrées dans les sites, l’hébergement des touristes. Les ressources générées par la valorisation touristique sont réparties dans les différents secteurs socio-économiques de la localité. Il s’agit de l’appui à la santé, à l’éducation, au culte, les infrastructures. Les ressources tirées de la valorisation touristique permettent aussi d’instaurer une mutuelle d’épargne et de crédit au profit des différents groupements d’intérêt – économique.

– L’instauration et le respect des périodes de repos biologique. Ce qui permet à la ressource de se régénérer et de grandir.

La participation et l’engouement des populations dans les activités de conservation, de suivi et de surveillance sont des aspects qui nous ont marqués au cours des échanges. Ce qui permet à la population d’acquérir des renforcements de capacités sur des domaines de la vie associative, de la biologie, de la gouvernance, du plaidoyer, de la gestion, de la communication, etc.

Comment prévoyez de mettre en œuvre ces leçons par la suite dans la ROK ?

Après cette visite, nous avons organisé une réunion de partage et rédigé un plan d’action pour améliorer nos capacités techniques, organisationnelles. Ce qui nous permettra d’intégrer toutes les composantes apprises dans notre vécu quotidien. L’administration de la réserve a déjà concédé une ouverture et une implication dans la planification, l’élaboration. Ce processus aboutira à une gouvernance plus inclusive et responsable de la population dans la gestion de la réserve. Le processus a démarré depuis 2011 avec la création du comité de gestion. Elle est accentuée avec le PPI et semble être dans sa phase de consolidation avec la réalisation de cette visite d’échange.

La visite d’échange a aussi permis de comprendre que l’action communautaire doit être fondée sur le bénévolat et le désintéressement. Nous avons entrepris une large campagne d’information et de partage de ces expériences afin de convaincre le maximum de jeunes à la conservation.

Quels conseils donneriez-vous à des comités de gestion d’aire protégées en Afrique de l’Ouest ou à des habitants riverains d’aires protégées?

Le mode de gouvernance et la visite d’échange ont permis de comprendre que la ressource appartient aux communautés auprès desquelles l’état déploie des agents de l’administration pour appuyer la gestion durable. A ce titre, la conservation, la valorisation touristique,  la définition des périodes de repos biologiques et l’exploitation doivent être réglementées par les communautés sous le contrôle de l’administration. Ce qui nous amène à formuler ces conseils ci-dessous à l’endroit des comités de gestion des Aires Protégées d’Afrique de l’Ouest:

– La ressource appartient aux communautés. L’administration doit jouer un rôle d’appui et de conseil pour une gestion durable.

– La valorisation touristique peut générer des ressources importantes qui permettent aux communautés d’assurer leur autonomie dans la gestion des aires protégées.

– Les communautés et l’administration doivent entreprendre un partenariat en non un conflit dans la gestion des ressources.

– Les populations gagnent d’avantage de la valorisation en s’organisant et en observant des périodes de repos biologiques.

– Les populations doivent acquérir les renforcements de capacité pour pouvoir prendre la dimension environnementale, écologique et économique dans les modes de consommation

– La conservation ne sera optimale que si la population s’y implique et contribue.

– Il faut instaurer les systèmes d’épargne et de crédit qui permettront de financer des activités et de favoriser l’autonomie des acteurs.

– Il faut plaider auprès des décideurs pour instaurer un système de tarification de l’entrée touristique dans toutes les aires protégées. Ce qui permettra de générer des ressources qui pourront autofinancer la conservation.

Articles Recommandés
Nous contacter

Pour plus d'information sur l'UICN comité français, n'hésitez pas à nous écrire.

Illisible ? Changez de texte captcha txt
X