Mangrove rose en Martinique : un phénomène naturel ?

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Etude réalisée par Mélanie Herteman, Écologue / Photos de Laurent Juhel, photographe éco-interprète

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Marigot Rose de l’Anse Scato – Martinique © Laurent Juhel

Magnifique, féérique, splendide, « fout sa bel » en créole martiniquais… sont autant de qualificatifs employés à la vue de ce fabuleux phénomène de mangrove rose, la Mangrose. Il s’est produit fin juin en Martinique, marigot de la Taupinière, dans un étang littoral saumâtre très peu profond, caractéristique des îles des caraïbes, dans la commune du Diamant.

Mais à quoi cela est-il dû ? Est-ce naturel ? La mangrove s’en remettra-t-elle ? Ce phénomène existe-t-il en d’autres endroits sur la planète ? Autant de questions méritaient éclaircissement et vérification.

 

Un manque d’eau en 2020

Bien que récurrent, ce phénomène tout à fait naturel a déjà été observé sur plusieurs sites en Martinique, mais il a fortement marqué cette année 2020 en raison des conditions climatiques. Traditionnellement, les pluies repartent à la hausse en mai. Cette année, elles se sont fait attendre et par endroits elles n’ont presque rien donné. En 40 ans de mesure c’est la 2ème fois que cette commune recueille aussi peu de pluie en un mois.

A ce manque d’eau s’est ajouté une autre caractéristique remarquable en avril et mars : l’atmosphère a été particulièrement claire et limpide en l’absence d’épisode de brume de sable. Ces conditions favorisent la photosynthèse des plantes et des algues.

 

« Bloom Algal » de Dunaliella salina, un phénomène naturel

La période longue et sèche a augmenté la salinité, la température (34°C) et le pH de l’eau, entraînant une baisse de l’oxygène et de l’azote présents dans l’eau. Ces conditions stressantes associées à l’augmentation de l’intensité lumineuse ont provoqué ce bloom algal.

Pour bien définir ce phénomène de mangrose et surtout identifier l’organisme à l’origine de cette coloration, des experts du Comité français de l’UICN se sont rendus sur place pour effectuer des prélèvements d’eau. Les observations au microscope confirment que cette couleur surprenante et rare dans la nature est due à ce que l’on appelle un « bloom algal » c’est-à-dire une multiplication explosive de microalgues.

Les analyses ont également révélé qu’il s’agissait de la microalgue Dunaliella salina (microalgue verte unicellulaire de la classe des Chlorophycées).

 

Une microalgue particulière

Elle est constituée d’éléments communs à d’autres cellules végétales. Cependant, elle ne possède pas de paroi polysaccharidique mais une membrane fine et souple qui contrairement à la plupart des végétaux lui permet de faire des échanges avec l’extérieur plus rapidement. Son système de transport des ions Na+ est également efficace pour s’adapter à la pression osmotique extérieure due à la forte salinité.

Le pigment donnant cette couleur rose à l’algue et à l’eau pendant un bloom algal est due à un grand nombre de globules à carotène. Enfin grâce à l’accumulation de glycérol, Dunaliella salina parvient a équilibrer la salinité de son plasma. Peu d’organismes sont capables de vivre dans de telles conditions de salinité.

 

Quels impacts à plus long terme ?
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Crabe violoniste dans la mangrose © Laurent Juhel

Ce changement de couleur lié à la présence de cette algue est un phénomène ponctuel et tout à fait réversible. Au retour de la saison des pluies, la salinité de l’eau baissera, l’équilibre de cet écosystème reviendra à la normale, et la couleur rose disparaîtra. Les organismes vivant dans le plan d’eau et autour de ce marigot tels que les crabes (notamment les crabes violonistes, Minuca rapax) se sont eux aussi adaptés à cet habitat. Ils ont une capacité de tolérance à de fortes salinités ponctuelles. Les palétuviers supportent aussi des taux de salinité élevés. Néanmoins toutes les espèces ne réagissent pas de la même façon.

Cependant, dans un contexte de changement climatique, on peut se demander si ce phénomène ne va pas aller en s’accentuant ou ne sera pas plus récurrent.

 

Plus d’informations

L’étude complète de Mélanie Herteman, Écologue / Photos de Laurent Juhel, Photographe éco-interprète
Le Pôle relais zones humides tropicales
Le programme outre-mer du Comité français de l’UICN

Photo bandeau © Laurent Juhel
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