Recommandations sur le projet d’Agence française pour la biodiversité

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Suite à la publication du deuxième rapport de préfiguration sur le projet d’Agence française pour la biodiversité, le Comité français de l’UICN exprime ses recommandations sur les propositions qui sont formulées pour la création de cette agence.

Contexte

Le Comité français de l’UICN a mené, avec ses membres et ses experts, de nombreuses réflexions sur la gouvernance de la biodiversité en France, qui l’ont conduit à proposer, avec d’autres, dès 2007, la création d’une agence nationale. Il s’est félicité de la décision du Président de la République, à la Conférence environnementale de 2012, d’en engager la mise en place.

Le Comité français de l’UICN a pris connaissance avec intérêt du premier rapport des préfigurateurs (janvier 2013). Les grandes orientations qui y sont exprimées, assorties d’hypothèses alternatives de mise en œuvre, rejoignaient globalement les positions et les espoirs de son bureau et de ses membres.

L’examen attentif qu’il a fait du rapport de la phase II (diffusé en avril 2013) le conduit à préciser et à expliciter sa position. En effet, ce document ne répond pas pleinement aux orientations du premier rapport, ni à l’ensemble des aspirations de l’UICN France et de ses membres.

Au moment où est annoncé un troisième rapport des préfigurateurs, le Comité français de l’UICN estime indispensable de souligner trois points qui lui paraissent devoir être profondément réexaminés pour réorienter, corriger et compléter le projet dans son état actuel, et lui permettre de répondre aux ambitions affichées par le Président de la République lui-même.

1) Le projet politique : des ambitions limitées, une organisation peu innovante, une mobilisation trop limitée de l’ensemble des acteurs de la biodiversité

L’agence doit répondre aux carences, aux insuffisances et aux besoins dans la mise en œuvre de la politique nationale de la biodiversité afin que la France soit exemplaire dans le respect de ses engagements nationaux, européens et internationaux. Sa création doit constituer une valeur ajoutée claire pour progresser dans la connaissance, la sensibilisation et l’action en faveur de la préservation et de la reconquête de la biodiversité sur l’ensemble du territoire français.

Sa mission doit concerner l’ensemble de la biodiversité terrestre, aquatique ou marine, ordinaire ou remarquable, de métropole et d’outre-mer. Parmi ses chantiers prioritaires figurent notamment la mise en œuvre de la Trame verte et bleue, des plans nationaux d’action pour les espèces menacées, des stratégies de création d’aires protégées terrestres et marines, du plan national d’action pour les zones humides, des atlas de la biodiversité communale, du réseau Natura 2000 (directives Habitats et Oiseaux), des directives cadre sur l’eau et sur les milieux marins. L’agence doit contribuer à la mise en œuvre des engagements du gouvernement sur la Stratégie nationale pour la biodiversité, en application du plan stratégique de la Convention sur la diversité biologique. Elle doit aussi renforcer la cohérence de la politique nationale de la biodiversité avec les autres politiques publiques (agriculture et pêche, transports, urbanisme, etc.) dans les territoires. Le projet développé dans le rapport de phase II se borne à envisager le regroupement de tout ou partie de structures institutionnelles de l’Etat et de leurs moyens financiers et humains déjà consacrés à la biodiversité. L’analyse des « bénéfices à en attendre pour les politiques de reconquête de la biodiversité et de la qualité des ressources naturelles », est reportée, dans la conclusion de ce rapport, à la phase III, alors qu’elle nous semble devoir être un préalable. Cela renforce la perception que l’on peut avoir du projet dans son état actuel : un « meccano » assemblant des structures existantes dans un établissement public de l’Etat sans que les conditions dans les quelles pourraient être parties au projet les autres acteurs publics et privés soient évoquées. Cette solution, juridiquement très peu imaginative, est par exemple un recul par rapport à l’ouverture fructueuse qu’avait permise le choix d’une structure plus souple et plus moderne (un GIP en l’occurrence) pour l’Atelier technique des espaces naturels. Le rapport constate d’ailleurs ce recul : les collectivités locales et les organismes de droit privé, dont certaines associations de conservation de la nature, aujourd’hui engagés dans une action commune à l’ATEN ne pourraient poursuivre cette collaboration dans les mêmes conditions d’engagement et de participation aux décisions.

Le Comité français de l’UICN souligne qu’à ses yeux, la reconquête de la biodiversité et de la qualité des ressources naturelles justifie que la future Agence française de la biodiversité s’ouvre, au-delà de l’Etat lui-même, à tous ceux, collectivités territoriales, ONG, etc.qui agissent déjà et souhaitent s’impliquer plus encore dans ce projet commun. Sans remettre en cause l’intérêt d’une réorganisation et d’une rationalisation des moyens de l’Etat, et le principe de la création pour cela d’un établissement public dédié, il souhaite que soit créée, avec lui et autour de lui, une structure plus souple, plus ouverte, plus évolutive, permettant de rassembler les forces vives de la nation. La forme juridique du GIP a été évoquée, mais d’autres formes de groupement, de consortium (c’est le terme utilisé dans la note du Comité français remise aux préfigurateurs en novembre 2012), ou de fédération peuvent être imaginées.

2) L’organisation et la gouvernance du projet d’établissement public : une cohérence et une lisibilité à améliorer

Le projet propose une organisation dans laquelle certains organismes sont fusionnés dans l’Etablissement public, d’autres partiellement intégrés, d’autres étant maintenus en dehors, et n’étant liés à lui que par des conventions par essence précaires. Les choix proposés sont parfois surprenants. Alors qu’une organisation plus rationnelle des fonctions de police de l’environnement s’impose, l’ONEMA est par exemple intégré, quand l’ONCFS, dont les compétences et les actions en matière de biodiversité sont incontestables, est exclus.

En outre, en limitant l’Agence à un établissement public de l’Etat fermé, on se prive de l’opportunité d’inventer une gouvernance plus souple et plus équilibrée, des responsabilités mieux partagées, des coopérations plus adaptées à chaque problématique et à chaque territoire (connaissance de la biodiversité, biodiversité marine, Outre-mer par exemple), et des interventions plus lisibles pour les citoyens, en ménageant l’identité et l’efficacité des structures participantes (création et gestion des aires marines protégées, ou positionnement des parcs nationaux par exemple).

Le Comité français de l’UICN souhaite que la cohérence du projet d’établissement public soit renforcée, notamment en y intégrant l’ONCFS, et que des solutions de gouvernance innovantes et évolutives soient proposées, tant pour conserver dans son organisation interne la richesse et la créativité de ses constituants que pour mieux associer tous ses partenaires autour de véritables outils communs.

3) Les moyens financiers

La question du financement, dans un contexte où celui des établissements publics intervenant dans le domaine de la biodiversité est déjà en diminution ou très contraint, est évidement majeure. L’agence doit impérativement disposer de moyens supplémentaires et dédiés pour son fonctionnement, ses actions et l’appui aux autres acteurs.

Il est indispensable que le Comité pour la fiscalité écologique, présidé par Christian de Perthuis, qui s’est saisi de la question, fasse à cet égard des propositions ambitieuses. Les pistes explorées dans le rapport de phase I doivent être approfondies, et les propositions des parties prenantes examinées. En tout état de cause, les projets de lois de finance pour 2014, et surtout 2015, doivent permettre de répondre aux besoins.

Le rapport se limite pour l’essentiel à évoquer les moyens budgétaires classiques de l’Etat. D’autres pistes peuvent être explorées.

Par exemple, la réalisation d’infrastructures écologiques en faveur de la biodiversité (création d’aires protégées, mise en place de la trame verte et bleue, etc.) sont de véritables investissements d’avenir, et devraient pouvoir bénéficier des financements qui leur sont dédiés : ces infrastructures sont indispensables au maintien et à la réparation des grands équilibres de la biodiversité, indispensables notamment à la poursuite de la modernisation de l’agriculture vers des pratiques plus durables,

L’accès à de nombreuses richesses naturelles est aujourd’hui encore gratuit (en mer par exemple), alors que leurs utilisateurs pourraient contribuer davantage au maintien et à la reconstitution des ressources.

Les différents fonds structurels européens pourraient eux aussi être mieux utilisés, et l’Agence pourrait jouer à cet égard un rôle très utile d’ingénierie de montage de projets (cette opportunité renforce encore l’importance de la coopération, dans l’Agence, de l’Etat avec les régions, compte tenu du rôle qui vient d’être confié à celles-ci dans la gestion des fonds européens).

Enfin, une agence à statut plus ouvert qu’un établissement public administratif pourrait mieux valoriser ses compétences, et créer plus aisément des ressources propres, en répondant par exemple à des appels d’offre internationaux.

Le Comité français de l’UICN demeure très vigilant quant aux moyens dont l’Etat dotera l’Agence. Il souhaite aussi que la réflexion soit élargie, notamment aux investissements d’avenir, aux crédits de l’Europe et aux ressources communes qui pourraient être valorisés par la coopération avec les collectivités territoriales (il rappelle que celles-ci consacrent à la biodiversité des moyens plus significatifs que l’Etat)

En conclusion, le Comité français de l’UICN, tout en soulignant les progrès effectués, et en rappelant son attachement et celui de ses membres à ce que l’Agence française de la biodiversité soit rapidement mise en place, insiste pour que l’on prenne le temps nécessaire à l’exploration de solutions innovantes aux questions mentionnées plus haut qui n’ont pas reçu de réponse suffisante, ainsi qu’à celles qui demeurent posées, comme l’organisation et les partenariats territoriaux de l’agence, particulièrement dans l’Outre-mer où les enjeux sont considérables et les coopérations essentielles. Il souhaite que l’on poursuive à cette fin les consultations nécessaires. Il confirme son souhait d’y participer pleinement.

 

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